Quand la cabro de Moussu Seguin arribè dins la mountagno, fuguè uno fèsto, eilamoundaut, universalo ! Jamai li pinedo avien rèn vist de tant poulit : la reçaupèron coume uno pichoto rèino ; li pin-pignoun ié fasien de grand salut, e davans elo li floureto embaumavon tant que poudien. Touto la colo èro en joio.
Se nosto cabro èro countènto, es pas necite de lou dire… Ges de cordo ! ges d'estaco ! Es aqui que n'i'avié d'erbo, e de touto merço e pèr-dessus li bano... La bauco dóu pradoun èro rèn à respèt.
La cabro blanco, en aio, folo e embriago, se ié viéutavo dedins, li cambo en l'èr... E zóu de saut ! zóu de cambareleto !.. La vaqui aro sus un piue, aro eilavau au founs d'un vabre, à drecho, à gaucho, pertout... Aurias di que i'avié dès cabro de Moussu Seguin dins la mountagno.
Es qu'avié pòu de rèn nosto Blanqueto ! D'un vanc afranquissié li cataracho, pièi touto trempo e blanco d'escumo, s'enanavo eidraca au bon soulèu sus un roucas. Un cop, en ribejant lou bord de la peno, em'un brout de genèsto i dènt, veguè eilavau, pereilavau dintre la coumbo, l'oustau de Moussu Seguin, emé lou prat darrié.
Acò la faguè bèn rire !
Quand la chèvre de Monsieur Seguin, arriva dans la montagne, ce fut une fête, là-haut, universelle ! Jamais les pinèdes n’avaient rien vu de plus joli. : ils la reçurent comme une petite reine ; les pins-pignons lui faisaient de grands saluts, et devant elle les petites fleurs embaumèrent autant qu’elles le pouvaient. Toute la colline était en joie.
Si notre chèvre était contente, ce n’est pas la peine de la dire… Pas de corde ! pas d’attache ! Et là il y en avait de l’herbe, de toutes sortes et par-dessus les cornes… Celle du petit pré n’était rien à côté.
La chèvre blanche, en mouvement, folle et enivrée, s’y vautrait dedans, les jambes en l’air… Et allez des sauts ! et allez des cabrioles !... La voilà sur un pic, maintenant là-bas au fond d’un ravin, à droite, à gauche, partout… Vous auriez dit qu’il y avait dix chèvres de Monsieur Seguin dans la montagne.
C’est qu’elle n’avait peur de rien notre Blanchette ! D’un bond elle franchissait les torrents, puis toute trempée et blanche d’écume, elle allait se sécher au bon soleil sur un rocher. Une fois en étant au bord de la crête, avec un brin de genêt entre les dents, elle vit, au loin dans la vallée, la maison de Monsieur Seguin, avec le pré derrière.
Cela la fit bien rire !