— Nàni ! Moussu Seguin, prengués pas la peno !
— Mai de-que vos alor ? de-que te fau ?
— Me vole enana dins la mountagno, Moussu Seguin !..
— La mountagno, malurouso ! ié sounjes pas... l'a lou Loup, dins la mountagno... Se 'n cop te vèn dessus, coume faras ?..
— lé mandaren de cop de bano, Moussu Seguin...
— Pecaire ! de cop de bano ! A bèn pòu de ti baneto aquéu grand gusas de Loup ! Vai, a fa si freto de mis àutri cabro qu'èron bèn plus grosso e plus forto que tu, petouso !... Sabes bèn : la grand Reinaudo, qu'èro eici avans tu, uno grosso cabrasso, plus auto qu'uno vaco, em'un parèu de bano !.. Eh ! bèn, Reinaudo se bateguè 'mé lou Loup touto la niue, pièi lou matin, lou Loup la manjè...
— Pauro Reinaudo !.. Es egau, Moussu Seguin : laissas-m'ana dins la mountagno.
— Malan de sort ! faguè Moussu Seguin, sara pas di que lou Loup te manjara coume lis autro !.. Te vau embarra dins l'estable, em'acò pas mai !
Faguè coume avié di, enmenè la cabro dins l'estable, un laid establas tout negre, e clavè lou pourtau, cri ! cra ! à tres o quatre tour... Malurousamen — li gènt s'avison pas de tout — Moussu Seguin óublidè de barra la fenèstro, e pèr la fenèstro Blanqueto s'enanè.
— Non ! Monsieur Seguin, ne prenez pas cette peine !
— Mais que veux-tu alors ? Que te faut-il ?
— Je veux m’en aller dans la montagne, Monsieur Seguin !..
— La montagne, malheureuse ! tu n’y songes pas… Il y a le Loup, dans la
montagne… Lorsqu’il viendra vers toi, que feras-tu ?...
— Je lui enverrai des coups de cornes, Monsieur Seguin…
— Ma pauvre ! des coups de cornes ! Il a bien peur de tes petites cornes ce
grand gueux de Loup ! Vas, il a fait son profit de mes autres chèvres qui étaient bien plus grosses et bien plus fortes que toi petite !... Tu sais bien : la grande Renaude, qui étais là avant toi, une énorme chèvre, plus haute qu’une vache, avec une paire de cornes !.... Eh ! bien, Renaude se battit avec le Loup toute la nuit, puis le matin, le Loup la mangea…
— Pauvre Renaude !... Ça ne fait rien Monsieur Seguin : laissez-moi m’en
aller dans la montagne.
– Coquin de sort ! dit Monsieur Seguin ; il ne sera pas dit que le Loup te mangera comme les autres… Je vais t’enfermer dans l’étable, point final !
Il fit comme il avait dit, il emmena la chèvre dans l’étable, une laide étable noire, et ferma la porte, cric ! crac ! à trois ou quatre tours… Malheureusement — les gens ne pensent pas à tout — Monsieur Seguin oublia de fermer la fenêtre, et par la fenêtre Blanchette s’en alla.