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LOU CRISTÈRI

 

 

    Dins aquéu tèms, li a mai de cènt an d’acò, li ’vié à Trans uno vièio dameisello que li dihien madameisello Polonìo. Uno santo fiho coumo n ’i a plus. Tout lou tèms qu’èro pas à soun oustau lou passavo dins la glèiso à prega. Pèr souleto distracien anavo dous ou tres còup pèr semano faire la veiado emé quàuquei vièio de soun age ; aqui charravon, de còup jugavon ei carto, tant prenien uno gouto de vin cue, disien quàuqueis estroupiaduro ; fahien pas de mau.

Vaqui qu’un souar Polonìo venguè pas à la veiado. « Qu saup ce que li es arriva ? » si demandèron sei coumaire.

 

     L’endeman matin, Fineto qu’èro sa cambarado de proumiero coumunien l’anè vèire e la trouvè couchado.

-  Vé, que t’arrivo ?

-  Hoi, ma bello, siéu bèn mau !

-  Mai que as ?

-  Ai lou vèntre gounfle coumo un perus, se vehiés, dur coumo de bano ! Mi douno de lançado terriblo, s’au mens poudiéu petia, mai li a pas mouien. Alor tout aquéu regounfle mi mounto à la tèsto e m’estoufo. Oh, Fineto, crèsi que siéu perdudo…

-  Mai veguen, ti fau surmounta ! As pres un pau de tihu ?

- O, n’ai pres un escaufaire ; ai pres de farigouleto, ai pres de roumaniéu… rèn mi fa rèn.

-  Escouto, li dis Fineto, alor s’es ensin, li a qu’uno cauvo à faire : fau prendre un cristèri, es la man de Diéu !

Aqui Polonìo cridè « Au secours ! »

-  Un cristèri ? Jamai de la vido !!!

Vous fau dire que dins aquéu tèms, lou cristèri èro un óubrage qu’avié bessai quatre pan de long ; subre-tout foulié la man d’un ome pèr lou maneja. Ero aqui la questien… Aquelo pauro Polonìo, faire vèire à un ome ce qu’escoundié tant bèn despuei setanto-cinq an !

-  Oh ! nàni, nàni, es pas Diéu poussible, seriéu danado !

L’endeman matin, Fineto que li voulié bèn la venguè mai vèire.

-  Escouto, Polonìo, ai bèn carcula ; n ’ia qu’un que ti pòu douna lou cristèri sènso dangié.

-  Qu es ?

-  Lou capelan, moussu lou curat, éu au mens es l’ome de Diéu.

-  Es verai, mai voudra pas veni…

-  Vai, l’anarai vèire e de-segur acetara. Agues pas pòu : es un sant ome, e fouarço serviciable.

   Douei jour plus tard, uno delegacien d’aquélei bràvei fremo si va presenta à moussu lou curat e li fa la demando.

  « Pèr l’amour de Diéu que fariéu pas ? », respoundè simplamen ; e prenguèron lou jour pèr l’óuperacien.

La vèio d’aquéu jour, la pauro Polonìo si fasié un brave marrit sang. Lou capelan, es verai qu’es un ome de Diéu, mai es un ome quand meme, e lou diable es talamen vicious… « Oh ! Sant Ro, Santo Rousselino ! Ajudas-mi ! Trouvas-mi un biais ! »

 

    En efèt dins la nue, uno idèio li venguè ; anas vèire ce qu’èro.

L’endeman matin, bouano ouro, Polonìo si metè sus soun lié dins la pousicien que falié, valènt-à-dire, en respetant la coumpagnié, lou cuou en l’èr… e si tapissè lei gauto dóu cuou emé d’image de pieta. Aqui li ’vié tóutei lei sant dóu paradis : Sant Ro, Sant Victor, Santo Rousselino bèn entendu, Sant Pèire, Sant Pau, Sant Armentàri de Draguignan, Sant Bastian dóu z-Arc, Sant Quenis e Sant Rouman de la Mouto, Sant Degun, Sant Troupés… li èron tóutei ! E la pauro Polonìo esperavo e lou couar li rampelavo.

A sèt ouro : « Pan ! Pan ! Pan ! »

- Intras ! diguè ’no pichino vouas.

Lou capelan durbè la pouarto emé soun óutis à la man.

Restè candi… avié jamai vist ’no cauvo ensin. Mai èro un ome de devé, èro pas ’qui pèr s’amusa, venié pèr faire ce que devié faire.

-  Bello dameisello, li diguè, vouastre darrié sèmblo uno capello… mai ounte es lou trau ?

E la pichino vouas de li respouandre :

-  Souto Sant Pau, moussu lou curat, souto sant Pau !

 

Guillaume Barles

 

LE LAVEMENT

 

 

         Dans ce temps là, il y a plus de cent ans, il y avait à Trans une vieille demoiselle qui s’appelait mademoiselle Apolline. Une sainte fille comme il n’y en n’a plus. Tout le temps qu’elle n’était pas à la maison, elle le passait dans l’église à prier. Pour seule distraction elle allait deux ou trois fois pas semaine faire la veillée avec quelques vieilles de son âge ; là elles bavardaient, parfois elles jouaient aux cartes, il arrivait qu’elles boivent une goutte de vin cuit, elles disaient quelques médisances ; elles ne faisaient pas de mal.

         Voici qu’un soir Apolline ne vint pas à la veillée. « Qui sait ce qui lui est arrivé ? » se demandèrent ses amies.

 

         Le lendemain matin. Finette, qui était sa camarade de première communion alla la voir et la trouva couchée.

- Voyons, que t’arrive-t-il ?

- Oh, ma belle, je suis bien mal !

- Mais qu’es-tu ?

 - J’ai le ventre gonflé comme une poire, si tu voyais, dur comme de la corne ! Cela me donne des lancées terribles, si au moins je pouvais péter, mais il n’y a pas moyen. Alors tout ce gonflement me monte à la tête et m’étouffe. Oh, Finette, je crois que je suis perdue…

- Mai voyons, il faut te secouer ! Tu as pris un peu de tilleul ?

– Oui, j’en ai pris une bouilloire ; j’ai pris du thym, j’ai pris du romarin… rien, ça ne me fait rien.

– Ecoute, lui dit Finette, alors s’il en est ainsi, il n’y a qu’une chose à faire : il faut prendre un lavement, c’est un remède miracle !

         Là-dessus Apolline cria « Au secours ! »

- Un lavement ? Jamais de la vie !!!

Il faut vous dire que dans ce temps là, le clystère était un instrument qui avait peut-être quatre pans de long ; surtout il fallait la main d’un homme pour le manier. C’était là la question… Cette pauvre Apolline, faire voir à un homme ce qu’elle cachait si bien depuis soixante-quinze ans !

- Oh ! non, nous, ce n’est pas Dieu possible, je serais damnée !

Le lendemain matin, Finette qui voulait l’aider vint à nouveau la voir.

         – Ecoute Apolline, j’ai bien réfléchi ; il n’y en n’a qu’un qui peut te faire un lavement sans danger.

         – Qui est-ce ?

         – Le curé, monsieur le curé, lui au moins est l’homme de Dieu.

         – C’est vrai, mais il ne voudra pas venir…

         – Allez ! j’irai le voir et c’est certain qu’il acceptera. N’aies pas peur : c’est un saint homme, et très serviable.

         Deux jours plus tard, une délégation des ces braves femmes va se présenter à monsieur le curé et leur fait la demande.

         « Pour l’amour de Dieu que ne ferias-je pas ? », répondit-il simplement ; et ils convinrent du jour de l’opération.

         La veille de ce jour, la pauvre Apolline se faisait un sacré mauvais sang. Le curé, c’est vrai que c’est l’homme de Dieu, mais c’est un homme quand même, et le diable est tellement vicieux… « Oh ! saint Roch, sainte Roseline : Aidez-moi ! Trouvez une solution ! »

         En effet dans la nuit, une idée lui vint ; vous allez voir ce que c’était.

         Le lendemain matin, de bonne heure, Apolline se mit sur son lit dans la position qu’il fallait, c’est-à-dire, en parlant franchement, le cul en l’iar… et elle se tapissa les fesses avec des images pieuses. Là il y avait tous les saint du paradis : saint Roch, saint Victor, sainte Roseline bien entendu, saint Pierre, saint Paul, saint Hermentaire de Draguignan, saint Bastien des Arcs, saint Quenis et saint Romain de la Motte, saint Personne, saint Tropez… ils y étaient tous ! Et la pauvre Apolline attendait et son cœur battait.

         A sept heures : « Pan ! Pan ! Pan ! »

- Entrez ! Dit une petite voix.

Le curé ouvrit la porte avec son instrument à la main.

– Il resta stupéfait.. il n’avait jamais vu une pareille chose. Mais comme il était un home de devoir il n’était pas ici pour s’amuser, il venait pour faire ce qu’il avait à faire.

– Belle demoiselle, lui dit-il, votre derrière ressemble à une chapelle... mais où est le trou ?

         Et la petite voix de lui répondre:

- Sous saint Paul, monsieur le curé, sous saint Paul !

 

 

Guillaume Barles

 

 

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